mercredi 19 novembre 2025

Hommage à Philippe Taquet par Ronan Allain - 19 novembre 2025

 




Philippe Taquet nous a quitté dimanche, à l'âge de 85 ans, après une vie scientifique et académique qu'on pourrait qualifier, par un doux euphémisme, de bien rempli.

Mes pensées se tournent d'abord vers sa compagne Geneviève et vers ses enfants, à qui je voudrais exprimer ici ma plus profonde sympathie.


Avec Philippe Taquet, le Muséum perd l'un de ses plus fidèles serviteurs et le principal promoteur de sa renaissance en 1994, date, après 7 ans de rénovations, de la réouverture de la GGE qui va aussi marquer le retour massif du public au Jardin des Plantes.


Philippe a occupé de nombreuses fonctions au Muséum dont il a été directeur de 1985 à 1990, mais il a également été directeur du Laboratoire de Paléontologie et Responsable du Service des expositions. Il a surtout été, car je sais que ce titre lui était très cher, le dernier titulaire de la Chaire de Paléontologie.


En effet, Philippe était avant tout un paléontologue et un naturaliste passionné. En 1965, il entame sa thèse d'état durant laquelle il prospecte et étudie le gisement de Gadouafaoua au Niger, le plus important des sites paléontologiques du Crétacé d'Afrique. Il y découvre et étudie pas moins de six dinosaures, dont Ouranosaurus qui fera de lui l'un des rares paléontologues français spécialistes de ce groupe, mais aussi le squelette du grand crocodile Sarcosuchus imperator, aujourd'hui exposé en GPAC qu'il décrira avec sa collègue et amie France de Lapparent. Philippe Taquet est resté un homme de terrain toute sa carrière et avait fait sien le proverbe peul : "Poussière aux pieds vaut mieux que poussière au derrière". Des sables du Sahara à ceux du Désert de Gobi, des montagnes du Haut Atlas à celle de la Sainte-Victoire ses campagnes de fouilles se sont toujours avérées fructueuses. J'ai eu la chance de faire beaucoup de terrain avec Philippe et j'ai toujours été impressionné par ce "petit radar à os" qu'il devait cacher sous son bob en jean et qui nous assurait de ne jamais rentrer bredouille de mission. Il était sur le terrain comme dans la vie d'un optimisme incroyable. Cela nous valait parfois sur le terrain des phrases du type :"Il fait bon aujourd'hui !" alors que nous trimions à extraire des os de dinosaures des blocs de grès, sous des températures dépassant allègrement les 40 degrés.


Philippe ne concevait pas non plus sa mission de scientifique sans partage de la connaissance avec le public. Il a initié, par exemple, en 1990 un programme de recherche au Laos, qui en 1995 se transforma, avec le soutien de la Fondation de France, en projet patrimonial et aboutira à la création du Musée des Dinosaures de Savannakhet qui se visite toujours sur les bords du Mékong. Soucieux de continuer à œuvrer pour la protection, la promotion et la diffusion de la recherche scientifique, il devient membre élu de l'Académie des Sciences en 2004, et en sera président en 2013 et 2014.


Comme il l'écrit lui même à la fin de son dernier livre, sorti il ​​y a quelques semaines : bien que devenu immortel, il n'en était pas pour autant éternel, mais il manquera à beaucoup d'entre nous.


Ronan Allain


Philippe Taquet passed away on Sunday at the age of 85, after a scientific and academic life that could be described, to put it mildly, as remarkably full.


My thoughts are first and foremost with his partner Geneviève and his children, to whom I would like to express my deepest sympathy.


With Philippe Taquet's passing, the Museum has lost one of its most dedicated servants and the principal architect of its revival in 1994, the year, after seven years of renovations, the GGE reopened, marking the return of the public to the Jardin des Plantes.


Philippe held numerous positions at the Museum, including Director from 1985 to 1990, and also Director of the Paleontology Laboratory and Head of the Exhibitions Department. Above all, and I know this title was very dear to him, he was the last holder of the Chair of Paleontology.


Indeed, Philippe was first and foremost a paleontologist and a passionate naturalist. In 1965, he began his doctoral thesis, during which he explored and studied the Gadouafaoua site in Niger, the most important Cretaceous paleontological site in Africa. There, he discovered and studied no fewer than six dinosaurs, including Ouranosaurus, which made him one of the few French paleontologists specializing in this group, as well as the skeleton of the large crocodile Sarcosuchus imperator, now on display at the GPAC (Grand Palais Archéologique de Paris), which he described with his colleague and friend France de Lapparent. Philippe Taquet remained a fieldworker throughout his career and embraced the Fulani proverb: "Dust on your feet is better than dust on your backside." From the sands of the Sahara to those of the Gobi Desert, from the High Atlas Mountains to the Sainte-Victoire mountain, his excavation campaigns always proved fruitful. I was fortunate enough to do a lot of fieldwork with Philippe, and I was always impressed by this "little bone radar" he must have hidden under his denim cap, which ensured we never returned empty-handed from a mission. He was incredibly optimistic in the field, just as he was in life. This sometimes earned us phrases like, "It's a beautiful day today!" while we were toiling away extracting dinosaur bones from sandstone blocks in temperatures easily exceeding 40 degrees Celsius.


Philippe also couldn't conceive of his scientific mission without sharing his knowledge with the public. For example, in 1990, he initiated a research program in Laos, which in 1995, with the support of the Fondation de France, was transformed into a heritage project and led to the creation of the Dinosaur Museum in Savannakhet, which can still be visited today on the banks of the Mekong River. Keen to continue his work for the protection, promotion, and dissemination of scientific research, he was elected a member of the French Academy of Sciences in 2004 and served as its president in 2013 and 2014.


As he himself wrote at the end of his last book, published a few weeks ago: although he had become immortal, he was not eternal, but he will be missed by many of us.


Ronan Allain




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